Pastel africain

La saison de safari touche à sa fin. Les gnous se font désormais rares, l'essentiel du troupeau à retraversé la rivière Mara pour la Tanzanie. Le temps est à la pluie, la lumière grise, le ciel gronde et annonce l'un de ces terribles orages qui transformera bientôt ce coin savane en une éphémère lagune !

On est loin des belles lumières africaines qui illustrent depuis toujours les pages glacées des magazines, celles qui font rêver dans les chaumières occidentales, pas de beles images en prespective, je reprends la route de notre camp de brousse un peu plus tôt que d'accoutumé.

A hauteur du marais de Musiara, je croise la route d'un superbe lion à crinière noire qui déambule majestueusement la savane : il s'agit de Roméo, l'un des deux chefs incontestés du clan du marais, la « marsh pride » pour les initiés. Une vielle connaissance. Il règne en maître absolu sur ce territoire depuis près de 6 ans. Bien que vieillissant, il a encore fière allure et les jeunots qui voudraient bien le détrôner un jour se gardent pour l'heure de toute intrusion sur le territoire interdit !

Les zèbres, gazelles et autres antilopes détalent devant lui... Je sors mon boîtier, le paramètre rapidement, le pose sur son support de portière et m'essaye à quelques déclenchements... Pouah ! un rapide coup d’œil sur l'écran arrière m'indique que je n'y suis pas. Le vieux réflexe qui consiste à monter la sensibilité ISO alors que la lumière manque s'avère un désastre esthétique. Et je ne parle pas du bruit numérique ! Bon, allez, je me rentre... Mais si... ? Et si je tentais un filé ? Bon, Roméo ne court pas bien sûr mais il se déplace latéralement au 4X4, ça devrait donner quelque chose...

Changement de stratégie : priorité à l'ouverture, baisse légère de la sensibilité, correction d'exposition +2/3 de diaph, mode de stabilisation horizontal, je visse le diaph à fond à f/32 , les vitesses descendent aussitôt réciproquement vers le huitième ou le quinzième de seconde !

A de telles vitesses d'obturation et avec le déplacement lent du fauve les filés réussis ou proche de la réussite sont rares, l'effet filé n'est pas suggéré, c'est un échec. En désespoir de cause je me surprends à descendre la vitesse à une valeur irraisonnée (en jouant sur la sensibilité qui passe désormais à 1600 ISO), valeur qui a rarement lieu d'être en photographie animalière : la demi-seconde, rien que ça !

Quelques déclenchements plus tard, J'observais que je venais de passer, presque par hasard, du classique fond filé à une très esthétique peinture, un pastel ! Le plus dingue, c'est que les zèbres qui détalent sont représentés dans le même tempo sur l'image que le lion qui marche !

Sur près de 200 images réalisées, seule une a survécu à un éditing sévère ! Celle-ci, où un groupe de zèbres apeurés détalent devant sa majesté Roméo est sans doute l'une des photographies les plus improbables de ma production...

 

CANON EOS 1D MK III , Objectif  EF300mm f/2.8L IS USM